P. Jeanneret: Un médecin lausannois en URSS 1936-1937

Titel
Un médecin lausannois en URSS 1936-1937: de Moscou au Caucase.


Autor(en)
Jeanneret, Pierre
Erschienen
Vevey 2011: L’Aire
Anzahl Seiten
96 p.
Preis
ISBN
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Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Olivier Meuwly

Avec son nouvel ouvrage, Pierre Jeanneret poursuit l’investigation de son histoire familiale dans son intrication avec l’histoire munie d’un grand «H». Après sa belle thèse consacrée à son grand-père, Maurice Jeanneret-Minkine, éminent représentant de l’aile gauche socialiste suisse de l’entre-deux-guerres et fondateur du POP vaudois, le voilà qui nous raconte aujourd’hui le voyage de son père, Henri Jeanneret (1912-1992), dans l’URSS de Staline, sur la base d’un témoignage oral qu’il a laissé à son fils sous forme d’interview.

Si son ouvrage sur Jeanneret-Minkine dépassait le cadre de la trajectoire personnelle, passionnante au demeurant, pour embrasser l’histoire politique de la gauche vaudoise, le présent ouvrage est plus intimiste. Il est vrai qu’Henri Jeanneret n’épousa aucune carrière politique et souffrit d’ailleurs probablement de la forte personnalité de son père. Il se concentra sur son métier de médecin, proche des populations défavorisées, après sa thèse sur les effets du chômage sur la santé publique. Mais, s’il partageait les opinions politiques de son père, il avait des raisons autres qu’idéologiques pour s’intéresser à l’URSS: sa mère Louba Minkina (1886-1953) est née en Russie. Juive, elle est venue en Suisse en 1904 pour étudier la médecine, comme nombre de ses coreligionnaires, et, comme nombre de ses condisciples à nouveau, s’y mariera et y fera souche.

Ce n’est donc pas pour vérifier la pertinence de la propagande soviétique qu’Henri entame son périple russe. Il s’y perfectionnera dans son métier au contact d’importantes personnalités du monde médical russe, comme Lina Stern, première femme à assurer un enseignement dans une université suisse, à Genève. Il raconte à son fils Pierre, qui travaillait alors sur son gros ouvrage sur les popistes vaudois, sa vie quotidienne à Moscou, ses contacts avec sa famille restée en URSS après la Révolution et, surtout, ses voyages dans le Daghestan, à la conquête des montagnes qui enserrent cette région du Caucase. Car Henri Jeanneret est un passionné d’alpinisme qui n’a pas froid aux yeux et affronte avec assiduité des contrées fort inhospitalières, où les punaises rendent les nuits souvent pénibles.

Pierre Jeanneret est conscient des limites de l’exercice qu’il s’est imposé. Il admet le côté lacunaire du compte rendu que son père rapporte de son observation de la vie sous Staline, son peu d’intérêt apparent pour la réalité de la dictature qui débouche sur les fameuses purges en 1937, et dont il est pourtant un observateur privilégié. Henri abrège son séjour moscovite cette année-là, sans doute sous l’influence du climat politique devenu de plus en plus délétère. L’auteur prend ainsi la peine de situer le récit de son père dans son contexte, scrupuleusement restitué, permettant au lecteur de suivre Henri dans ses péripéties russes comme s’il était à ses côtés. Et pour remettre en perspective les souvenirs de son père, narrés bien après les faits, en 1987, il a ajouté, à la fin du livre, la transcription d’un entretien téléphonique enregistré par la Police fédérale entre Maurice Muret, le leader des popistes vaudois, et sa tante Moussia, soeur de Louba: belle façon de dévoiler la réalité du stalinisme, qu’Henri n’avait voulu, ou pu, percevoir dans son ampleur. On peut néanmoins se demander si l’auteur n’aurait pas dû viser un objectif plus large, en essayant d’inscrire la trajectoire russe de son père dans une approche plus globale: quelle pouvait être l’image de l’URSS aux yeux de jeunes Vaudois? Comment se représente-t-on l’URSS quand on est d’obédience communiste et que l’on n’appartient pas aux cercles dirigeants du POP?

Avec son Médecin lausannois en URSS, Pierre Jeanneret s’inscrit en tous les cas dans une tendance actuelle, encouragée par d’heureux concours de circonstances et qui fait revivre les liens particuliers entre le canton de Vaud et la Russie. Un colloque s’est ainsi tenu en 2009 à Moscou sur les Vaudois en Russie, suivi d’un autre colloque en juin 2011, sur deux siècles de présence russe en Pays de Vaud, lors duquel Pierre Jeanneret a d’ailleurs présenté une communication sur les étudiantes juives à Lausanne. Avec Henri Jeanneret, voici une nouvelle pièce à un dossier valdo-russe qui contient assurément d’autres pépites fascinantes!

Citation:
Olivier Meuwly: Compte rendu de: Pierre JEANNERET, Un médecin lausannois en URSS 1936-1937: de Moscou au Caucase, Vevey: L’Aire, 2011. Première publication dans: Revue historique vaudoise, tome 120, 2012, p. 426-427.

Redaktion
Veröffentlicht am
05.12.2013
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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